Mise au point, de Jacky Dahomay
Le journal France Antilles a publié en exergue, dans son édition de mardi dernier, une supposée citation de moi dans laquelle je traiterais les dirigeants de LKP de « tontons macoutes ». A ma connaissance, je n’ai donné nulle interview à ce quotidien et j’ai l’habitude d’exprimer directement mes points de vue, que ce soit par voie écrite ou par voie orale dans la presse.
Cette manière de faire n’est pas correcte. France Antilles aurait pu me demander directement ce que je pense de la situation actuelle, n’ayant jamais peur d’exprimer publiquement mon point de vue. Je profite de la présente mise au point pour clarifier ma position sur le mouvement actuel.
Je ne crois pas que les dirigeants de LKP soient des « tontons macoutes », car ces derniers pour tous ceux qui connaissent un tant soit peu Haïti, sont des criminels. Beaucoup de dirigeants de LKP sont liées à moi pour des raisons familiales, amicales ou autres et je ne les tiens pas du tout pour des criminels. Cela est le premier point.
Deuxièmement, j’ai soutenu publiquement et concrètement la grève générale initiée par LKP car j’y ai vu une autre manière de faire du syndicalisme en évitant les erreurs passées, une maîtrise du mouvement. Pour moi, ces dirigeants ont eu le mérite de faire émerger une véritable société civile guadeloupéenne, ce qui est une première depuis 1946. J’ai souligné aussi la dimension internationaliste du conflit et j’ai défendu la cause de ce mouvement auprès de l’opinion publique internationale, métropolitaine en particulier. Je me suis abstenu aussi durant toute cette période de critiquer les points négatifs du mouvement, attendant une période plus constructive pour le faire entre Guadeloupéens. La seule réserve ou critique que j’ai exprimée publiquement est le danger que les dirigeants de LKP soient tentés de croire que le pouvoir social acquis magistralement dans la rue puisse être transformé en pouvoir politique sur toute la société.
Il est vrai que dans le passé, j’ai critiqué les méthodes « macoutiques » d’un certain syndicalisme, notamment certaines tendances de l’UGTG. Je ne confonds pas macoutique et tontons macoutes. Pour moi, le macoutisme est une forme d’autoritarisme propre à nos sociétés issues de l’esclavage. La société esclavagiste engendre dans nos sociétés un rapport flou à la loi. Le rapport à l’autre est souvent médiatisé par la violence. Dans le rapport aux enfants, à la femme, aux animaux et aussi dans la politique. On n’a qu’à penser aux « donneurs de fraîcheur » de Légitimus et, jusqu’à une époque récente, aux élections violentes avec Balin à Anse-Bertrand et encore à Marie-Galante. Je maintiens mes critiques concernant certaines dérives de l’UGTG même si je pense qu’après la défection des gens de ma génération, l’UGTG a dû continuer seule le combat syndical et maintenir la question sociale à l’ordre du jour et je mets quiconque au défi de me contredire sur ce point. Dans ma vie personnelle, j’ai eu à subir ce macoutisme quand, avec d’autres, j’ai créé le journal Jougwa. Je suis prêt à affronter toute discussion publique sur cette question. Je crois qu’effectivement, à la fin du conflit, certains de ces vieux démons ont réapparu et ont quelque peu affaibli l’audience de LKP Les tontons macoutes ne sont rien d’autre qu’une exagération mortifère du macoutisme caraïbéen ambiant. Par ailleurs, je suis persuadé que les colonies françaises ont hérité de la France une culture de la volonté, héritée de Rousseau alors que les colonies anglaises s’appuient d’avantage sur une culture de la loi. Voilà pourquoi les anciennes colonies françaises ont plus de mal à instaurer des régimes démocratiques que les colonies anglaises. Enfin, je souhaite que le mouvement initié par LKP se transforme en un véritable développement de la société civile qui seul selon moi pourra permettre aux Guadeloupéens, démocratiquement, de choisir leur destin. Il y a d’autres critiques que j’adresse à LKP mais il me semble qu’il faut le faire dans un climat de discussion plus serein.
Concernant Domota. Il m’est beaucoup plus sympathique que beaucoup de dirigeants syndicaux traditionnels. Je n’accepte pas qu’il soit accusé de racisme et je l’ai dit lors d’une interview à Europe I. Je suis prêt à monter au créneau pour défendre Domota s’il est accusé de racisme. Toutefois, Domota a commis une faute politique qui n’est pas dû au racisme et on peut comprendre qu’un jeune subitement promu dirigeant d’un mouvement à large contenu international, puisse commettre des erreurs. Sa faute consiste en ce que ses propos pouvaient être interprétés de différentes manières. Lorsqu’on est dirigeant à un tel niveau de responsabilité, quelle que soit la fatigue, on fait attention à ce que l’on dit, surtout dans un pays où la question raciale est d’une grande complexité. Domota a donc prêté le flanc aux critiques de ceux qui sont radicalement adversaires d’une quelconque émancipation de la Guadeloupe.
Voilà. Pour le reste, je suis prêt à discuter avec toute personne sur l’avenir de la Guadeloupe, même si on me traite sur les ondes de « chien à blanc » ce qui, tout le monde peut le constater, n’a absolument aucun effet sur moi.
Jacky Dahomay.