Réponse à René Beauchamp

Publié le par David Dahomay

Cher René,

 

Je viens de terminer à l’instant la lecture de ta prose (voir texte ci-après).

 

J’avais jusqu’à cet instant de la considération pour toi – j’ai toujours admiré ton engagement plein et entier pour la défense des personnels de l’éducation, même si tu le sais, nous ne partageons pas les mêmes convictions quant au système éducatif souhaité–, et sans exagération, oui, une certaine affection.

Et, même s’il est fort probable que cela ne te touche point, sache désormais que tu as perdu toute mon estime.

 

Car, après ce que je viens de lire, tu ne vaux humainement plus grand-chose à mes yeux. Non pas que nous ne souhaitons pas la critique, au contraire, certains d’entre nous souhaitent depuis longtemps en Guadeloupe l’avènement d’un vrai espace public, où les débats pourraient être engagés librement. Mais il y a un préalable à la réussite d’un tel espace : le respect de l’autre et de sa différence – ce qui suppose donc l’absence d’attaques ad hominem, d’intimidations, de violences verbales ou physiques –, et puis la rationalité et la fin de la mauvaise foi. Conditions qui en te lisant sont encore bien loin d’être réunies. Et quoi ? C’est donc cette Guadeloupe indépendante de demain que toi tu souhaites ? Un parti unique, une ligne de pensée unique, un leader charismatique qui pense et agit pour le peuple en son nom et à sa place ! Non merci René, égare-toi si tu veux dans ce chaos des hommes et des âmes, mais ce sera sans moi, sans nous, sans tous les démocrates et humanistes de Guadeloupe. Au fond, peut-être est-ce là le but recherché ? Une Guadeloupe qui serait débarrassée une fois pour toute de ses intellectuels de gauche aux pensées subversives et ennemis déclarés du peuple, et puis de ses békés, et puis de ses hommes politiques inconséquents, et puis des bourgeois trop gras, et puis de ses métros, et puis de ses étrangers, et puis de ses libanais, et puis – qui sait ? – de ses indiens, et puis de tous ceux qui ne penseraient pas comme le Parti unique, et puis… l’on sait au final où tout cela mène.

 

Comme je voudrais te faire comprendre et te faire entendre à quel point les principes démocratiques – consubstantiels à la liberté et à l’égalité en droit et en dignité – sont au cœur de toute société prétendant à la félicité. Lis, tant qu’il en est encore temps – mais je doute que pour toi il soit déjà trop tard – l’économiste indien Amartya Sen, la démocratie chez les autres, et comment il défend cet idéal comme universel ! « En définitive, le concept fondamental d’une démocratie fondée sur la délibération est le concept du débat en soi. Lorsque les citoyens débattent, ils échangent leurs opinions et discutent de leurs propres idées sur les principales questions d’ordre public et politique. » Le leader du LKP prêt à défendre la démocratie directe – et sur ce concept il y aurait beaucoup à redire, tant ce concept est dangereux – entend-il d’abord appliquer ce concept au sein du LKP et de son organisation ? Car j’y vois beaucoup de dirigisme – voire même de l’autoritarisme – dans toutes ces organisations, et bien sûr, inévitablement – car cela est consubstantiel à toute organisation, qu’elle soit une entreprise, un syndicat, une administration ou une société politique –, de la délégation de pouvoir, donc indubitablement de la démocratie représentative !  Comment alors ensuite prétendre refonder la démocratie chez nous en Guadeloupe – visiblement par des voies révolutionnaires –, alors même qu’au sein de ces organisations c’est le culte du leader qui prévaut ? Explique-moi René ! Quoi ? Tu vas encore me dire que vous savez comment agir et quoi penser à notre place ? Car j’espère qu’il ne t’a pas échappé qu’après ce qui s’est passé jeudi, à mon sens le LKP n’est déjà plus uniquement qu’un mouvement de la société civile, mais bien aussi un mouvement politique, d’autant qu’en son sein y figurent des partis politiques.

 

 

Ainsi donc, le LKP est incritiquable. Celui qui parmi nous le critique, se voit d’office affubler de l’injure suprême : « Tu es un mauvais guadeloupéen ! » Ou si les révolutionnaires préfèrent : « Tu es un ennemi du peuple ! ». Ô, comme je voudrais te dire à quel point les injustices sociales me hantent, comment la détresse de ces jeunes exclus me touchent – et je ne vois guère des gens comme toi intervenir souvent pour eux, obnubilés que vous êtes par vos convictions indépendantistes. D’une certaine façon j’ai décidé de m’engager politiquement pour que cette question soit au cœur des préoccupations politiques. Si nous sauvons cette jeunesse, ce sera déjà quelque part la Guadeloupe qui sera sauvée. Et j’ai même proposé que cette question soit prise en compte – avec force de proposition – lors du prochain Congrès. Mais tu dis quoi toi sur cette jeunesse qui souffre ? Indépendance, indépendance, vous verrez, vous ne souffrirez plus ? Allons bon, et quand nous l’aurons cette indépendance tant souhaitée, ce sera quoi ton programme politique ? Communisme sur fond de maoïsme ? Car il faudra bien faire taire les récalcitrants.

 

J’aspire à plus d’autonomie pour notre pays, mais pas à n’importe quel prix René ! Une Guadeloupe autonome totalement entre vos mains et votre merci serait je le crains la pire des Guadeloupe souhaitées. Car pris dans votre dogmatisme mortifère, vous n’avez pas pris le temps de penser la Guadeloupe de demain, en termes de quelle démocratie ? Quel système politique ? Quel système économique ? Quelles conditions pour une Guadeloupe apaisée et fière de la richesse de sa diversité ? Tout cela à tes yeux ne sont que de belles paroles, et pourtant, la pensée libre et complexe est au cœur de tout destin d’homme, et de toute société politique.

 

Mais plus grave, car plus personnel, en te lisant, je pleure René, oui, je pleure. Je pleure de tristesse pour mon pays, et je pleure aussi de colère quand je vois tout ce que tu peux oser écrire comme ignominie, mensonges, injustices et violences contre mon père ! C’est une honte René d’oser tomber aussi bas ! Et tu parles ensuite de sale besogne ? Mais la sale besogne, c’est toi qui la fait, et le plus grave, c’est que tu sais que tu ne penses pas ce que tu écris, mais tu l’écris quand même ! Es-tu conscient que désormais tu n’es plus que l’ombre de toi-même ? Quand la Guadeloupe sera débarrassée de ceux qui ne pensent pas comme toi, oseras-tu encore te regarder dans une glace ? Il est probable que la schizophrénie alors te gagne René ! Mais nous ne serons certainement plus là alors. Car si la Guadeloupe doit inévitablement sombrer dans le totalitarisme, personnellement, je m’en irai. A moins qu’on ne me lynche avant. Bon débarras crieront en cœur qui l’on sait. Mais dans trente ans, dans cinquante, dans cent ans, vous aurez des comptes à rendre à l’Histoire René !

 

Alors sur le fond des attaques ad hominem formulées à l’encontre de mon père, je lui laisse le soin, s’il le souhaite, de te répondre.

 

Enfin, tu parles d’intellectuels s’auto-désignant comme représentatifs de tous les intellectuels de Guadeloupe. Mais où as-tu vu écrit cela ? En aurais-tu rêvé hier soir ? 

René, René, faut-il donc t’apprendre à penser ? Nous ne représentons personne excepté nous-mêmes
, c’est-à-dire les signataires ! Point trait. Nous n’avons la prétention de parler au nom de quiconque, excepté nous-mêmes ! Mais il n’est pas certain que vous puissiez en dire autant. Mais tu devrais par contre t’interroger sur les causes d’un tel émoi suscité par la pétition : la majorité silencieuse René. Oui, tout le monde ne pense pas comme toi, c’est la douloureuse expérience de la liberté concédée à l’autre en tant qu’il est singulièrement différent de toi, et qui est au cœur de toute expérience profondément démocratique.

 

Je ne te salue pas René. David Dahomay.




 

Pétition anti-LKP de Jacky Dahomay : Analyse de René Beauchamp
En Guadeloupe, il n'y aurait donc que 21 intellectuels! DOnt 17 enseignants!
La Guadeloupe ne compte pas seulement 21 "intellectuels"... la Guadeloupe en compte des milliers. Que
représentent ces 21 ? une goutte d'eau dans l'océan... C'est là une première escroquerie intellectuelle ! Il y a une deuxième chose qui nous parait assez grave. C'est qu'en lisant le texte de ces gens, on y trouve d'écrit qu'ils ne seraient absolument pas opposés au mouvement social... Au contraire, ils disent le soutenir ! Mais, dans le même temps ils disent : « Attention ! Attention ! » Ce n'est pas vous qui représentez le peuple ! Le LKP ne représente pas le peuple !! Mais eux, ils représentent tous les intellectuels !

 

Ils n'ont aucune légitimité, ils ne sont membres d'aucune organisation [1] , ils n'assument aucune responsabilité, ne sont responsables de rien... mais ils représentent, eux, tous « Les Intellectuels » !

Mais des responsables syndicaux, des responsables associatifs, des responsables politiques, des responsables de groupements de locataires, d'associations de défense des usagers de l'eau, ou d'associations des personnes atteints de handicaps... ne représenteraient pas le peuple !!!

Camarades, c'est ainsi que certains commencent par escroquer notre intelligence des choses... et essaient en tout premier lieu de couillonner les gens !

En réalité, le principal instigateur de cette liste composée de 21 individus, le principal rédacteur de ce texte... est quelqu'un qui a passé toutes ces dernières années à dire du mal de la lutte des travailleurs, et en particulier à critiquer la façon dont ces travailleurs menaient le combat contre l'exploitation & contre la pwofitasyon. C'est un individu qui a passé son temps à affirmer que les mouvements des travailleurs abritaient en réalité une

armée de Tontons macoutes... Tout simplement parce qu'il s'était rendu en Haïti pour y mener une expérience ; laquelle avait échoué... Depuis cette époque, l'homme a commencé à voir un Tonton macoute caché derrière chaque arbre. C'est en réalité son obsession qu'il est en train de nous livrer, de son obsession qu'il nous parle.

Et ce même individu, même s'il prétend avoir soutenu le mouvement social, en réalité son soutien à consisté à dire aux travailleurs de revendiquer s'ils le souhaitaient, de revendiquer pour l'obtention des 200 euro, revendiquez pour tout ce que vous voulez... Mais attention : Ne revendiquez pas avec trop de véhémence, n'allez pas trop loin et surtout, ne remettez pas en cause le pouvoir que détiennent ces messieurs.

En réalité, il était mandaté pour effectuer un travail lui permettant justement de maintenir le peuple sous le système de pwofitasyon et sous le joug de la domination ! Cet homme là, à un moment donné de son histoire personnelle, s'est effectivement trouvé aux côtés des travailleurs. Mais qui, en cours de route, s'est égaré. Pour justement se retrouver dans le giron de ceux là même qui pratiquent et développent la pwofitasyon et l'exploitation dans notre pays. Actuellement, son unique objectif est bien d'empêcher que les yeux s'ouvrent pour que l'on puisse voir quelles les causes de la pwofitasyon : les capitalistes, les békés et les colonialistes français ! Son unique but est de détourner notre regard et de nous empêcher de dénoncer ce système et ces pwofitan ; in fine, de nous inviter à

rester dans ce système, à le laisser tel quel ou au mieux à tenter de lui trouver quelque aménagement. A l'heure actuelle, dans sa tentative de discréditer le mouvement et d'entraîner quelques autres intellectuels encore plus malfichus que lui, il tente de voir s'il lui est possible - avec l'aide de ces deux pelés trois tondus - de retourner la population contre le LKP. Et permettre à ceux qui vivent de la pwofitasyon de reprendre la main et de retrouver leur pouvoir.

Son grand problème, son gros problème, est surtout de venir au secours d'élus politiques qui sont déjà discrédités ; pour leur permettre de redorer leur blason et de retrouver un minimum de crédit. Et à cette fin, il doit critiquer à tout prix le mouvement LKP et les organisations qui le composent.

Tel est précisément travay la (la besogne) dont ils sont chargés, le rôle qui leur est dévolu : Voler au secours des profiteurs, des békés, des capitalistes français, sauver leur système. Et faire en sorte que le programme [La plateforme de revendications] que nous avons élaboré - qui remet en cause toutes les pwofitasyon du système - ne soit jamais débattu, jamais examiné au fond, jamais enclenché. D'empêcher la résolution des problèmes qui se

posent dans ce pays, afin que la pwofitasyon puisse perdurer.

Voilà pourquoi nous devons être vigilants.

On aura encore quelques intellectuels qui essaieront de se faire passer pour d'incomparables représentants du peuple. Mais toutes ces manoeuvres et gesticulations ne sont que des vèglaj (des mirroirs éblouissants) pour empêcher la poursuite de la lutte des travailleurs et des luttes que le LKP mène avec le peuple.

Ces mêmes individus, qui sont des enseignants, à aucun moment nous ne les avons ni entendu ni vu développer la moindre analyse du système scolaire et du système d'enseignement existant. Système d'enseignement qui est lui aussi un système de pwofitasyon : tous les enfants en situation d'échec scolaire sont pour l'immense majorité ceux des milieux défavorisés et des travailleurs. Je ne les ai jamais entendu dire qu'il n'y a pas de démocratie pour ces enfants là. Qu'il n'y a pas d'égalité, qu'il n'y a même pas d'équité pour ces enfants là !!! Je ne les ai jamais entendu le dire, ni même en parler !

Je ne les ai jamais vu mener le moindre combat pou kalbandé (pour renverser) ce système et mettre une autre école au service du peuple !!!

Par contre, il aura suffi que le peuple relève la tête et qu'un Liyannaj se produise entre toutes les forces sociales de ce pays pour poser la question de l'émergence d'une autre société expurgée de la pwofitasyon, pour qu'on les voit surgir et affirmer que ce mouvement articulé autour de ce Liyannaj était un mouvement anti démocratique ! Et voler au secours de leurs maîtres. C'est la raison pour laquelle j'affirme que nous ne perdrons pas notre temps à entrer dans une polémique avec ces individus. Nous les laisserons à leur bêtise et à leurs inepties.

 

Plus ils en avanceront, plus nous les laisserons dire... afin de mieux poursuivre sur la voie que nous avons décidé de suivre. En tous les cas, nous demandons à tous les enseignants qui se sont mobilisés pour mener le combat pendant ces 43 jours, ceux que nous avons vu tous les jours dans les rues avec des drapeaux, ceux que nous avons entendu à LA CASA affirmer que les travailleurs et eux ne constituaient qu'un seul et même peuple, ceux qui ont poursuivi la grève - après la signature d'un accord avec le recteur - tant que les autres travailleurs n'auraient pas obtenu satisfaction... Nous les appelons, ces enseignants, à continuer le combat que nous avons entamé ensemble ! Afin de kalbandé lékòl a yo et d'y mettre à la place notre école à nous, une école au service des enfants de Guadeloupe.

Mèsi !

 

Publié dans refonder la gauche

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L
Bonsoir, David! <br /> Je viens de voir des images de torrents de lait coulant à flots et des montagnes de fumiers assiégeant une préfecture en France! Tu te rends compte, ces gens-là sont "oufs"! Mais ils ne savent pas que, comme on dit chez nous, "imité ka détin'n!" Une bonne pétition. be, voilà ce qu'ils leur faudrait à ces "insurgés"! <br /> Mais tiens, qu'entends-je? "Notre président" pactise avec eux et a nommé deux médiateurs!!!Décidément, on ne comprendra jamais rien à ces français. David, nou pa dwèt kon yo minm, min... nou pa kon. Nou ka fè bitin an nou ...jantiman..
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B
Bonjour,<br /> je tombe dans vos bras puisque vous m'appelez Monsieur et que je suis complétement asociale.<br /> Nous nous connaissons mais je n'habite plus en Guadeloupe.<br /> Peu importe que je me rappelle à votre connaissance, puisque ce qui compte, il me semble, c'est que je donne mon point de vue de l'extérieur, simplement.<br /> Je vous apprécie parce que , disons, vous allez jusqu'au bout.<br /> Quand je dis " université populaire", c'est comme pour signifier un lieu de débat public pour le différencier d'une messe à l'église. Votre blog est une ouverture et je me souviens comme il est difficile et compliqué de s'exprimer, d'avoir des conversations d'homme à homme en Guadeloupe ; mais c'est une bonne école, néanmoins.<br /> Il faut pouvoir le supporter. Personnellement, je ne le supportais plus. J'en étais incapable, mais je ne vous oublie pas.<br /> Beauchamp non plus ; car c'est bien contre ce que il y a d'injuste en Guadeloupe que votre commun combat est dirigé et ça, je n'en doute pas.<br /> A partir de mon blog, vous trouverez aussi des liens , où on discute. ça n'est pas toujours bien joli joli non plus les échanges mais au moins, c'est pas trop le désert.<br /> Sur ce, je vous souhaite un bon dimanche.
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B
hun hun<br /> c'est couillu<br /> dites-moi et la Myriam Des étages, elle a pas le courage de venir vous parler en face. Elle est où ? dans le bureau du recteur, comme d'hab<br /> et à l'Unsa, ils ont pas le courage de venir discuter en face ?<br /> Vous avez raison de faire équipe avec Beauchamp, allez<br /> Je vous embrasse.<br /> Sérieusement, des conneries, j'en ai entendu des plus graves à l'université populaire.
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D
<br /> Cher Monsieur,<br /> Est-ce qu'on se connaît ? En tout cas, j'apprécie vos commentaires mesurés et perspicaces.<br /> J'aimerais aussi connaître ce qui a été dit à cette Université populaire.<br /> Envoyez-moi un message à : david.dahomay.over-blog.com<br /> <br /> <br />